C'est un premier face à face inédit entre un
représentant de l'industrie électronique de précision Suisse
et un autre de la grande
tradition nord-américaine des préamplis à tubes.
Ces deux-là sont des propositions assez uniques dans leur
genre, avec d'une part un nouveau Nagra tentant d'imposer un
schéma sans fioritures avec des
liaisons courtes et directes, et d'autre part un préampli
canadien mettant en œuvre des triodes à chauffage directe
vintage sur des liaisons encore plus courtes et
minimalistes. C'est presque un test
match sur la transparence, qualité essentielle pour un
préamplificateur de haute volée. Et ce qui est sûr, c'est
que nous avons affaire là à deux appareils de très haut
niveau.
Le but de cette confrontation n'est pas forcément de désigner
un vainqueur parmi ces deux appareils d'exception mais de
présenter des caractéristiques
qui pourront, en fonction des besoins et du système de
chacun, faire pencher la balance d'un côté ou de
l'autre...
Forces en présence :
Ce sont deux appareils aux looks assez différents, le Nagra
faisant dans le côté miniature ou bibelot raffiné, à
l'instar des produits issus de
l'industrie de mécanique de précision et d'horlogerie
suisse. Son boitier principal est réalisé en aluminium
anodisé et finement brossé. La plaque frontale d'une
épaisseur de 14 mm est usinée dans la
masse, tout comme le capot. La face arrière et le châssis
sont réalisés dans une tôle pliée.
A côté, Le Coincident Technology fait plus rustique, voire
spartiate, avec un aspect plus massif. Les alimentations
séparées des deux préamplis sont dans
la même veine. Autant le Suisse se fait particulièrement
discret, autant le Canadien passe difficilement inaperçu
avec ses gros boitiers en inox et ses deux protubérantes
triodes 101D.
Sur la balance, les chiffres confirment cet écart avec 3,2 kg
pour le Nagra Jazz contre 10 fois plus chez le Coincident
Technology Statement Line Stage
et ses 32,5 kg (préamplificateur plus
alimentation) !
Puisque nous en sommes aux chiffres, les performances
affichées chez nos deux protagonistes sont les
suivantes :
Réponse en fréquence : 10 Hz - 50 kHz (+0 /-0,5 dB) pour
le Nagra, 10 Hz - 30 kHz (+/- 0,2 dB) pour le
Coincident.
Impédance en entrée : > 75 K Ohms pour le Nagra, 100
K Ohms pour le Coincident.
Impédance de sortie : 50 Ohms chez le Nagra, 500 Ohms
chez le Coincident.
Des chiffres finalement assez homogènes avec une versatilité
sans doute un peu meilleure chez le préampli Nagra par
rapport au Coincident, notamment avec
son gain ajustable à 0 dB (à l'instar d'un préampli passif)
ou + 12 dB. Avec mes blocs Luxman et leur impédance en
entrée assez élevée, la faible impédance de sortie du Nagra
n'est néanmoins pas plus
idéale que celle du Coincident.
Terminons la partie chiffres avec des prix sensiblement
différents mais qui traduisent une politique de vente
directe du producteur au consommateur chez
Coincident Technology alors que Nagra s'appuie sur un réseau
de revendeurs traditionnels :
Nagra Jazz : 12.250 €, Coincident Technology Statement
Line Stage : 5.500 $US.
Au prix affiché du Coincident Line Stage, il convient de
rajouter la TVA et les droits de douanes ainsi que le fret.
Son prix rendu chez nous est donc
sensiblement plus proche des 7.000 €.
Description :
Le Jazz est une évolution des anciens modèles Nagra PL-L et
PL-P. Nagra est presque reparti d'une feuille blanche pour
concevoir son nouveau préampli
haut de gamme, même si l'aspect du produit reste conforme
aux canons esthétiques de la marque en matière de compacité,
d'ergonomie et de finition.
Le schéma a ainsi été entièrement repensé pour atteindre un
niveau de bruit extrêmement reculé avec un signal sur bruit
qui passe désormais de 100 à 105
dB, ce qui est assez exceptionnel pour un préamplificateur à
tubes. En comparaison, un Convergent Audio Technology
Renaissance SL1 est à 98 dB sur ses entrées haut niveau, un
Ayon Polaris III se
situe au dessus de 96 dB. Ces mesures sur les entrées ligne
haut niveau ne sont d'ailleurs que rarement communiquées par
les fabricants et Coincident Technology n'est pas très
bavard à ce sujet.
Les anciens appareils Nagra avec leurs
branchements professionnels sur le flanc ont également
laissé place à un appareil plus
ergonomique à destination du public audiophile, avec des
connecteurs placés cette fois-ci en façade arrière.
L'idée de l'alimentation sur batterie qui équipait le Nagra
PL-P a été abandonnée au profit d'une conception plus
conventionnelle mais plus qualitative
et silencieuse.
La compacité accrue des circuits a par ailleurs permis
d'ajouter de nouvelles fonctionnalités, telles que la
motorisation des potentiomètres de volume,
de balance et du sélecteur de sources, devenus
télécommandables. Une entrée et une sortie symétriques sur
prises XLR ont également été ajoutées, pour faire du Jazz
une machine bien plus versatile que
ses prédécesseurs.
Le préampli Nagra Jazz offre, comme je l'ai évoqué plus haut,
deux niveaux de gain distincts, commutables via un sélecteur
en façade. Sur la position "0
dB", l'appareil n'ajoute aucun gain et se comporte
pratiquement comme un préamplificateur passif. Sur la
position "+12 dB", le gain maximal est fourni pour une
meilleure adaptation aux sources ayant
un faible niveau de sortie.
L'alimentation externe du Jazz représente par ailleurs une
porte ouverte vers de possible futures upgrades et vers
l'alimentation multi-appareils MPS de
la marque suisse .
Le préamplificateur Nagra Jazz est construit autour de trois
groupes de circuits imprimés, plus une quatrième platine
dédiée à une entrée symétrique à
transformateurs, disponible en option.
Les circuits imprimés sont réalisés à partir de verre époxy à
quatre couches et de pistes dorées à l'or fin. Ils sont
reliés entre eux par des nappes
assurant une liaison au plus court. La carte-mère est montée
sur silentblocs en élastomère filtrant les vibrations, à
l'instar de ce qu'on avait déjà pu voir sur le préampli
Ristea testé
récemment.
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Le Nagra Jazz dispose d'un nombre
confortable d'entrées (cinq au total), une sur jeu de prises
XLR (A) et quatre sur connecteurs Cinch
(B, C, D, E). Toutes les entrées sont gérées en mode
flottant, ce qui permet de traiter le signal de façon
pseudo-symétrique jusqu'au circuit d'amplification. Chaque
entrée est filtrée contre les
interférences radio-magnétiques par un jeu de selfs et de
condensateurs. La commutation des entrées est assurée par
des tandems de relais de haute précision. Seule la masse de
l'entrée active est
connectée, toutes les autres sont shuntées afin que ne se
forme aucune boucle parasite avec et entre les sources
inactives. Nous avions également déjà constaté le bienfait
d'un tel dispositif sur le
préampli Ristea. Une sixième entrée sur prise XLR est
réservée à un mode by-pass qui permet de dévier directement
la source connectée à la sortie XLR quand l'appareil est
hors fonction et même s'il
est débranché.
L'appareil dispose de deux sorties commutées par relais,
l'une, symétrique, sur prises XLR et l'autre, asymétrique,
sur un double jeu de prises Cinch
permettant ainsi de s'adonner à la bi-amplification. Ceci
est également le cas pour le Coincident Statement Line Stage
grâce à sa double sortie asymétrique. Un très bon point pour
ces deux préamplis
qui fonctionnent par ailleurs aussi bien en symétrique qu'en
asymétrique.
Le Nagra est équipé d'un "soft start" retardant de 20
secondes environ l'application de la haute tension sur les
lampes afin de les protéger d'une usure
prématurée provoquée par un démarrage à froid.
Le premier étage du circuit du Nagra Jazz
est construit autour d'une double triode 12AX7 (ECC83)
montée en typologie différentielle et
polarisée par des transistors. Ce montage est censé assurer
une meilleure stabilité de fonctionnement des tubes. Le
deuxième étage, destiné à livrer l'essentiel du gain, est
confié à une autre triode
de type 12AT7 (ECC81). C'est sur cette lampe que le
dispositif de gain variable est appliqué : en basculant le
sélecteur correspondant en face avant, un relais commute un
jeu de résistances, faisant
passer le gain de 0 à +12 dB.
En fin de circuit se trouve un aiguillage à relais qui dirige
le signal vers le type de sortie sélectionnée: symétrique
sur prises XLR ou asymétrique sur
prises Cinch. La symétrisation sur XLR est assurée par un
transformateur de grande qualité bobiné par Nagra. Celui-ci
est à l'abris sous un blindage en mu-métal recuit, le
protégeant de tout
rayonnement parasite.
Pour finir, notre modèle de test nous a été livré avec un
socle optionnel à double plateau amortisseur Nagra VFS. Ce
socle en aluminium massif muni de
pieds spéciaux en Alpha-gel® est conçu de manière à garantir
la meilleure insensibilité aux perturbations vibratoires.
isoler très efficacement les appareils des perturbations
vibratoires.
Le dispositif amortisseur est complété par trois pieds
coniques vissés sous le boîtier-même du préamplificateur.
Ces pieds sont réalisés en Arcap
(alliage amagnétique) avec des pointes en résine
Delrin®.
Le Coincident Statement Line Stage fait sans
aucun doute moins dans le détail, même si au final, il ne
lui manque pas grand chose en
terme d'ergonomie par rapport au Nagra. Dans le cadre de
cette confrontation, la différence majeure est l'absence de
télécommande avec un réglage séparé du volume gauche -
droite.
Il faut préciser néanmoins que Coincident Technology propose
à son catalogue un modèle avec un unique bouton de volume
télécommandé pour un prix très
légèrement supérieur (500 dollars de plus que le modèle non
motorisé) mais dont les performances sont réputées être
légèrement inférieures. Précisons également que les deux
potentiomètres sont
crantés et permettent de ce fait une égalisation précise des
canaux gauche droite. Cela n'est malheureusement pas
toujours le cas avec tous les préamplificateurs à réglage
séparé des canaux gauche
droite, et le réglage manuel vire rapidement dans ce cas de
figure au casse-tête. Là encore, le préampli Ristea avec ses
deux potentiomètres télécommandés était un exemple de ce qui
se fait de mieux
en la matière.
La qualité de construction à l'instar des voitures
nord-américaines fait plus "virile". A titre d'exemple, on
est assez proche de la qualité de
construction d'un Rogue Audio Hera : robuste, sans
fioritures.
Si le Coincident Technology Statement dispose du même nombre
de sorties que le Jazz, il comporte néanmoins un nombre plus
limité d'entrées : une
symétrique sur prises XLR et deux asymétriques sur prises
Cinch.
Que ce soit sur ses entrées que sur ses sorties, un
interrupteur situé en façade arrière permet de sélectionner
le mode de fonctionnement nécessaire
(symétrique ou asymétrique) en désactivant les autres
entrées et sorties. Un interrupteur en façade avant permet
de sélectionner l'un ou l'autre des deux entrées RCA. Ce
n'est pas aussi sophistiqué
que le système de commutation utilisé sur le Jazz mais c'est
une façon plus basique d'arriver peu ou prou au même
résultat, en gardant à l'esprit que l'absence de compromis
dans sa conception a exclu
toute implantation de relais sur le trajet du signal, ce qui
constitue en quelques sortes une approche plus puriste que
celle de Nagra.
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L'alimentation régulée double mono du
Statement Line Stage est imposante. Elle pèse à elle seule
presque 20 kg. Les transformateurs
fabriqués sur cahier des charges au Japon sont bobinés avec
un conducteur en cuivre de type 6N et encapsulés dans de la
résine. Cette alimentation sur-vitaminée pour un préampli
est, selon les dires
du concepteur, capable d'alimenter un amplificateur de
puissance d'une centaine de watts.
Le filtrage utilise exclusivement des composants de qualité
comme les condensateurs polypropylène Solen. Tout est
assemblé point par point et câblé en
l'air. On ne trouve en effet aucun circuit imprimé dans
chacun des deux boitiers.
Les triodes 101 D du châssis principal sont montées sur des
suspensions silentbloc afin de réduire au maximum leur effet
microphonique, point faible de
ce type de tube. La triode 101 D reste cependant un des
tubes les plus transparents et linéaires jamais réalisés.
Cela explique encore aujourd'hui l'engouement et les tarifs
complètement
déraisonnables pour les tubes 101D Western Electric
originaux.
Le Coincident Technology Statement Line Stage est livré
d'origine avec des tubes Shuguang SG-101 avec lesquels le
préampli a été conçu. Il est possible
de les remplacer avec des modèle PSvane soit en entrée de
gamme dite "HiFi" (ceux utilisés dans le cadre de cette
confrontation), soit en version "Western Electric Replica",
plus onéreuse mais
toujours moins que les tubes NOS négociés à prix d'or sur la
toile... Ces tubes sont longs à roder et le maximum de bande
passante est atteint après un bon mois d'utilisation, sinon
deux.
Les transformateurs de sortie en supermalloy utilisés par
Coincident Technology (alliage de nickel et d'acier),
fabriqués également sur cahier des
charges au Japon, permettent, outre leur effet sur
l'abaissement de l'impédance de sortie et la symétrisation
du signal, de renforcer la réponse dans le grave des triodes
101D, généralement atténuée.
Ils sont également bobinés en cuivre 6N et encapsulés dans
de la résine.
Aucun condensateur ou résistance n'est implanté sur le trajet
du signal. Il n'y a bien sûr également aucune boucle de
contre-réaction employée dans le
schéma du Statement Line Stage.
Pour finir, le boitier d'alimentation est équipé d'un
interrupteur ground lift (désactivation de la mise à la
terre) afin de contrer l'effet des
éventuelles boucles de masse.
Impressions d'écoute :
Premier point à l'avantage du Nagra Jazz, son silence de
fonctionnement. Il est comparable à celui d'un préampli
transistorisé et aucun bruit n'est perceptible dans mes
enceintes lorsque je suis à proximité à moins d'un
mètre.
Le Coincident Technology émet un souffle perceptible qu'on
entend distinctement à un mètre des enceintes, mais plus
vraiment
à trois mètres et demi, assis au point d'écoute.
L'interrupteur de masse, situé à l'arrière de l'alimentation
externe, ne change chez moi strictement rien à l'affaire, et
cette boucle de masse est
très difficile à supprimer. Mon ancien préampli Rogue Audio
Hera était déjà bruyant et le Coincident l'est sans doute un
peu moins. Cela ne s'entend plus du tout dés lors qu'on
lance la lecture mais
on aimerait mieux avoir un silence comparable au Nagra ou au
Ristea, car on se dit instinctivement que cela doit nuire à
la transparence. Et pourtant, les Rogue Audio Hera et le
Coincident Technology
Statement Line Stage sont parmi les préamplis les plus
transparents que j'ai pu posséder... Le monde des tubes est
donc bien compliqué...
Le Nagra Jazz tient ses promesses. J'ai de meilleures
impressions qu'à l'écoute de ses prédécesseurs qui n'étaient
pourtant
déjà pas mauvais. J'ai même été surpris par l'énergie que
peut déployer ce petit appareil, que j'avais entendu dans
d'autres circonstances plus mollasson, mais cela n'a pas du
tout été le cas sur mon
installation, au contraire. C'est clairement un
préamplificateur pour épicuriens, il sonne plein, le médium
est très plaisant et dense, et la tenue dans le grave est
meilleure que celle du Coincident
qui a une réponse un peu plus atténuée dans le bas du
spectre. Les aigus sont soyeux et définis. Le niveau de
résolution est bon sans être pour autant exceptionnel. C'est
donc presque un sans faute,
que ce soit sur ses entrées symétriques qu'asymétriques.
En effet, cette richesse tonale associée à un sens du rythme
indéniable en font un partenaire plaisant et facile à vivre.
Si
un Audio Research Ref 5 SE délivre un peu plus de détails et
d'informations d'ambiance, il apparaît presque fade et
ennuyeux par rapport au Nagra Jazz. Cette écoute vivante et
rafraichissante, c'est
vraiment le point fort du préampli suisse. On rajoutera
aussi une certaine forme d'excellence dans la fluidité de la
restitution : la musique semble couler et parfois même
jaillir
espièglement.
Cette capacité à moduler est peu commune et le Jazz s'avère à
tous les instants convaincant sur les passages les plus
subtils comme sur ceux les plus complexes. En effet, il ne
faut pas comprendre ce côté vivant et dynamique comme un
manque de finesse ou de maîtrise. Non, au contraire, le Jazz
reste maître de la
situation en toutes circonstances, avec même une petite
rondeur qui vient atténuer les écarts de dynamique trop
marqués. C'est sans doute lié à cet aspect un peu mollasson
de l'appareil que j'ai pu
ressentir auparavant.
En fait, le Jazz est tout sauf mou. Mais on ressent néanmoins
une certaine forme de douceur qui vient tempérer très
habilement les variations de dynamique. Appelons-ça un sens
très développé de la modulation, un sens du tempo affiné,
une grande musicalité... Chacun utilisera sa propre
expression, et ceci est
peut-être tout simplement le résultat du choix de tubes
employés. En tout état de cause, c'est très agréable et
extrêmement bien fait. Cela fait du Jazz un préampli
attachant et qu'on appréciera sur
le long terme. En comparaison, j'ai trouvé le préampli
Zanden 3000 presque caricatural. C'est un peu exagéré mais
je trouve que le Nagra est plus subtil dans sa gestion des
contrastes dynamiques
alors que le 3000 donne parfois l'impression d'en faire un
peu trop. Certes, chaque préampli se mariera avec plus ou
moins de bonheur à un amplificateur de puisssance et un
Zanden 3000 sur des blocs
d'amplification 9600 reste une fabuleuse association.
A l'instar du Nagra, le Rogue Audio Hera est lui aussi
particulièrement liquide et vivant. Il est par contre un peu
plus
limité dans sa qualité de timbre mais un peu plus
détaillé.
Le réglage du gain a bien sûr une incidence sur ces résultats
et, chez moi, la position la plus convaincante a été celle à
0
dB. Celle à + 12 dB s'est avérée un peu trop limitative sur
le réglage fin du volume. Avec un Lumin S1 sur son niveau de
sortie bas, c'est encore jouable, mais sur une source avec
une sortie flirtant
les 5 ou 6 V en symétrique, cela devient presque
inutilisable.
Que donne alors le préamplificateur
Coincident Technology en comparaison ?
Le Canadien propose une approche puriste et sans compromis.
Israel Blume a sacrifié les aspects pratiques à la
transparence.
C'est donc davantage une écoute proche d'un préampli passif
que propose Coincident Technology, mais sans les
inconvénients d'une adaptation d'impédance hasardeuse ou
d'un manque de gain, ou bien
encore d'un tassement de la dynamique.
A l'écoute, c'est comme si on ouvrait des vannes qui étaient
restée fermées jusqu'à présent.
La proposition sonore du Statement Line Stage reprend à la
fois la douceur et la neutralité propre à la triode 101 D
ainsi
qu'un niveau de résolution inouï. C'est sans doute un des
très rares préamplis qui donne l'impression d'être
complètement absent du système, de ne rien ajouter sans rien
enlever non plus. Mais
retirez-le du systéme et vous vous apercevrez alors de la
cruauté de son absence.
Comparé au Jazz, il est plus transparent et détaillé. Les
informations d'ambiance, les extinctions de notes ressortent
avec
plus d'évidence. Il excelle sur la micro-dynamique alors
qu'il cède au Nagra sur le terrain de la macro-dynamique. Il
impose aussi un peu plus de distance vis à vis de la musique
alors que le Jazz
vous plonge plus aisément dedans. Par contre, il recrée un
espace tridimensionnel si ample que cette distance n'est pas
ressentie comme une moindre présence. Il délivre plus de
continuité dans
l'espace, davantage de fusion qui contribue justement à
cette sensation de réalisme.
Le Nagra Jazz en regard semble présenter un détourage des
instruments et des pupitres peut-être légèrement plus
précis, mais
ce n'est pas forcément toujours évident. Je pense que le
côté simplificateur du Jazz par rapport au Statement Line
Stage permet parfois un suivi mélodique plus dsitinct, alors
qu'on pourrait être
perdu dans le flot de détails qui sort du préampli
canadien.
Sur les voix par exemple, le Nagra amène davantage de
proximité avec des voix féminines plus chaudes que le
Coincident. Mais
cela ne veut pas dire pour autant qu'il n'y a pas plus de
présence sur le Coincident où la modulation de la voix est
plus apparente.
Ce sont deux types d 'écoute différents proposés dans une
galaxie du préampli à tubes qui reste un univers bien
particulier
et différent du transistor. J'ai bien conscience d'ailleurs
que cette distinction tube / transistor ne veuille pas dire
grand chose, surtout à propos de ces deux engins
exceptionnels que sont les
Nagra et Coincident. Je ne saurais d'ailleurs dire lequel
serait plus proche du son transistor ou du son tube. Il n'y
a de commun finalement que cette fluidité et holographie
particulière que le
tube, lorsqu'il est bien mis en œuvre sur ce type de
machine, excelle à restituer.
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Lorsqu'on pousse le volume, ce qui est
flagrant sur le Coincident Technology, c'est cette absence
de
saturation. C'est tout simplement impressionnant. Moi qui
vit depuis déjà deux ans avec le préampli Coincident, j'en
suis encore impressionné. Difficile de se livrer au même jeu
sur le Jazz qui
avouera ses limites bien avant. La pureté du signal du
Coincident amène-t-elle donc cette absence de distorsion un
peu hors norme ? Ou alors est-ce tout bêtement la
résultante d'une meilleure
adaptation d'impédance avec mes blocs Luxman M800a ? Je
pense honnêtement qu'il y a des deux puisque j'ai pu tester
le Coincident avec de nombreux amplis et que cette très
faible distorsion à
fort SPL a eu tendance à se répéter à maintes reprises.
Sur des impromptus de Chopin, la subtilité et le pouvoir de
résolution du Coincident Technology lui permettent de faire
une
nette échappée. On sent moins de présence chez Nagra, les
attaques de notes sont un peu plus émoussées. Mais cela se
situe quand même à un niveau très honorable et les timbres
sont par contre
magnifiques.
Comme dans bien des confrontations, le côté stérile qui en
ressort est que ce n'est jamais tout blanc ou tout noir, et
qu'il
faut savoir avant tout ce qu'on recherche vraiment pour
choisir le bon compromis. Cela m'amène alors à la
conclusion.
Conclusion :
Au delà de leurs traits de caractère respectifs, ces deux
préamplificateurs appartiennent à un genre assez rare :
celui des appareils auxquels on
s'attache.
Pour cela, il faut s'approcher d'un idéal sonore et éviter de
présenter ne serait-ce qu'un seul défaut rédhibitoire. C'est
le cas de ces deux objets. A
ce titre, ce sont effectivement aussi des objets ! Ces
deux-là ont une personnalité plastique affirmée et ne font
pas partie du lot commun des boites rectangulaires sans
âme...
Aussi, si on privilégie un certain confort d'écoute, une
certaine ergonomie, une grande versatilité ainsi que des
timbres charmeurs et pleins, alors pas
de doute, il convient de s'intéresser de très près au Nagra
Jazz.
Si par contre l'aspect spartiate ne vous rebute pas et que
vous avez soif d'une transparence absolue, alors le
Coincident Statement Line Stage est une
bestiole susceptible de vous combler.
A ceux qui hésitent encore, ils peuvent se rassurer en se
disant qu'ils feront dans les deux cas une bonne affaire.
Certes le Nagra est plus cher, mais
il est écoutable chez vos revendeurs au contraire du
canadien, et bénéficiera d'une meilleure cote à la revente
lors de votre prochaine crise de changite aigüe.
Et pour ceux pour qui ce n'est toujours pas assez, le Jazz
est susceptible d'aller plus loin encore avec l'alimentation
spéciale MPS, tandis que le
Coincident Technology se propulsera dans l'hyper-espace avec
les tubes Psvane de la série Western Electric Replica...
Elle est pas belle la vie ?
Joël Chevassus - Octobre 2015